Discours de Roger Fajnzylberg à la cérémonie du souvenir Yizkor à Bagneux

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À l’occasion de la cérémonie annuelle du souvenir Yizkor à la mémoire des victimes de la Shoah au cimetière de Bagneux, organisée par le Farband le dimanche 28 septembre 2025, découvrez le discours de Roger Fajnzylberg.

Madame Laurence Patrice, adjointe à la mairie de Paris, représentant Madame la Maire
Monsieur le Sous-préfet, Directeur de cabinet, Représentant le préfet des Hauts-de-Seine
Monsieur le Sénateur
Monsieur le Député
Mesdames et messieurs les survivants de la Shoah et enfants cachés,
Mesdames et messieurs les élus de Paris, de Bagneux, de Montrouge
Messieurs les représentants des institutions représentatives de la Communauté juive, le CRIF, le FSJU et le Consistoire Central
Monsieur le Grand Rabbin de France a qui je veux dire toute mon amitié face aux attaques indécentes dont il a été récemment l’objet :
Monsieur le Ministre Plénipotentiaire, Représentant Monsieur l’Ambassadeur d’Israël en France
Mesdames et Messieurs les présidents et représentants d’associations
Mesdames et Messieurs, en vos grades et qualités

Chers amis, taiere fraind

C’est avec émotion et gravité que j’ai accepté de m’exprimer ce matin devant vous à l’invitation de Fernand Zerbib, Président du Farband, auquel je tiens à associer Henri Battner, qui a présidé pendant tant d’années contre vents et marées, cette commémoration annuelle.

Je me suis engagé pleinement, vous le savez depuis plusieurs mois dans la transmission du témoignage de mon Père, Alter, déporté et survivant du Premier Convoi parti de France le 27 mars 1942 et l’un des très rares survivant de la tache inhumaine à laquelle il fut affecté durant 18 mois au sein du sonderkommando d’Auschwitz et en même temps animateur avec d’autres, de la résistance intérieure dans le camps et l’un des quatre déportes qui ont pris les seules photos prouvant au Monde ce qui se jouait à Auschwitz.

Je me suis engagé à poursuivre cette mission qui est la nôtre, à nous, les fils et filles de déportés comme des enfants cachés, nous qui sommes les relai direct des derniers survivants dont la parole est de plus en plus rare et que nous entourons de toute notre affection.

Je suis de celles et ceux qui, depuis longtemps, sans doute moins que vous, ont accompagné nos Mères et nos Pères, dans le souvenir commun de nos disparus, de nos grands-parents que la plupart, nous n’avons pas connus, de nos oncles et tantes assassinés, gazés, brulés, des cousins qui auraient été à peine, plus âgés que nous, de tous ceux, disparus sans laisser de sépulture comme de ceux, qui gisent sous terre, dans les forêts et les plaines lointaines à l’est de l’Europe.

Je pense avec émotion et tristesse a tous ceux-là dont les prénoms et les surnoms ont égrené nos enfances et que nous aurions tant aimé connaitre.

Nous sommes aujourd’hui la génération qui porte leur souvenir, que nous associons à celle des victimes directes de la Shoah et nous sommes désormais accompagnés de nos enfants et parfois de nos petits-enfants, en nombre peut être insuffisants, pour nous souvenir ensemble et transmettre.

C’est devenu notre mission comme l’est aussi celle d’associer pleinement les descendants des familles juives sépharades d’Afrique du Nord, d’Egypte et de l’Orient, au drame vécu par les juifs en Europe, de l’Atlantique à l’Oural et à la Grèce.

C’est le sens de cette cérémonie ici en France, à Paris.

En France, à Paris, nous y vivons nombreux, plus importante communauté juive en Europe parce que nos ascendants, français de très longue souche ou ayant choisi depuis la fin du 19 e siécle ou le début du 20eme de vivre et de s’intégrer ici, convaincus que la France serait, comme il se disait partout, un pays d’accueil ou il ferait bon vivre librement, et où il serait possible de s’intégrer tout en pratiquant et en vivant nos traditions.

Je me souviens de la gravité de ces rassemblements de milliers et de milliers des nôtres, marchant ici, derrière les oriflammes des sociétés organisées autour des noms des villes, des villages et des bourgs du Yiddishland.

Je regardais encore avant de venir ce matin, les vieilles photos sepia ou jaunies du début des années 50.

Ils étaient unis dans le souvenir et le recueillement.

Ils étaient surpris d’avoir survécus. Ils étaient porteurs de cette mission sacrée de fonder leurs familles, de donner vie et d’éduquer, en transmettant leurs valeurs universelles, de faire refleurir le peuple juif, qu’ils fussent lecteurs de la Naie Presse, de Unzer Wort ou de Unser Stimme. Ils se fréquentaient pour certain dans les Schuls ou dans les Cellules des partis politiques de gauche ou des syndicats.

Ils étaient passionnés, curieux de tout, ouverts aux autres.

Alors qu’ils auraient pu en vouloir à la Terre entière, ils ont, tout en réclamant justice, dans leur immense majorité, rejeté les sentiments de haine ou de vengeance, pour se reconstruire et nous transmettre à nous, leurs enfants, des valeurs tirés des enseignements du judaïsme ou des idéaux universalistes et généreux.

Je donne souvent leur exemple dans les débats que j’ai avec des jeunes scolaires des écoles publiques, pour montrer comment, nous, issus de l’immigration avons fait le choix de nous élever et de trouver toute notre place dans la société française plutôt que de la rejeter. Cet exemple devrait être inspirant pour toutes les immigrations.

Ils se retrouvaient entre Roch Hachana et Kippour, en ce lieu, comme les autres dimanches matin, autour du Pletzel, le carreau du Temple, ou du Boulevard de Belleville pour prendre des nouvelles les uns des autres ou de ceux qui étaient resté en Pologne ou qui avaient décidé de monter en Israel ou de partir vers des nouveaux horizons.

Et nous, enfants à l’époque, nous étions fiers, quand nos Pères, nous proposaient de les accompagner en leur tenant la main.

Aujourd’hui nous nous retrouvons autour du dernier carré de ces survivants mais la certitude qui étaient la leur puis la nôtre, qu’on ne pouvait pas être plus heureux que des juifs en France, est désormais ébranlée par le déferlement de l’antisémitisme qui gangrène des secteurs entiers de notre pays et pour la première fois nous doutons, non pas de tout et de tous, mais pour certains comme moi de ceux que nous avons aimé et avec lesquels nous  avons mené combats ensemble mais surtout, plus grave, de celui qui est censé incarner la cohésion et l’unité nationale. Quelles que soient nos affinités personnelles, nous en sommes tous meurtris.

Dans toutes les rencontres et les débats auxquels je participe depuis le début de l’années a la suite de la publication du témoignage que mon Père a rédigé dès le retour d’Auschwitz, je suis amené, comme vous, à répondre à cette question de l’avenir des juifs en France.

Je comprends que certains doutent.

Dans la foulée de ce que m’a laissé mon Père et que je m’efforce de transmettre, il y a une leçon principale, celle de l’importance de la résistance, de l’engagement et de la confiance.

Certes aujourd’hui la décision de l’Alya nous est ouverte grâce a l’existence du pays d’Israel.

Mais mon choix personnel, c’est celui de la France, de la résistance et de l’action. C’est aussi celui de la confiance dans le fait que la plus grande partie de la population française, comme des élites culturelles, économiques et politiques de notre Pays, feront, lorsque le moment viendra en 2027 comme aux élections locales dans les prochains mois, le choix de ce qui fonde notre République avec ses valeurs de laïcité, d’égalité et de fraternité et se rassembleront et se mobiliseront, car c’est de l’avenir de tous qu’il s’agit.

Ce sont les vœux que je souhaite formuler devant vous, en cette période où chacune et chacun, tire, croyant ou pas, les enseignements de l’année écoulée pour s’amender et progresser.

Comme le dit le chant connu de vous : « Mir gaiin nicht unzer letztzn weg ». Nous ne parcourons pas notre dernière route !

Nous sommes debout ! « Mir zenen do ! »

Je vous souhaite a git und gezind youer ! Bonne et heureuse année.

Roger Fajnzylberg

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