La Commission du Souvenir du Crif a reçu le 14 janvier dernier Ruth Zylberman, réalisatrice et documentariste, auteure entre autres d’un documentaire magnifique « Les enfants du 209 rue Saint-Maur ».
Née en 1971 dans le 18ème arrondissement de Paris, Ruth Zylberman se définit elle-même comme « une fille de Paris, et une fille de la guerre ».
Mais ce n’est pas son histoire que raconte Ruth Zylberman dans son film, c’est l’histoire tout court, « L’histoire avec sa grande hache » aurait-on envie d’avancer pour paraphraser Georges Perec ; l’histoire et la destructivité qui l’habite, ses convulsions, ses horreurs mais aussi ses sursauts et ses éclats.
Mettre en perspective l’intemporalité de Paris capitale des Lumières et la précarité des existences humaines, la pérennité rassurante des pierres face à l’incertitude des vies et destins pourrait être le cœur de l’œuvre de la réalisatrice. La question du lieu est centrale : ce lieu d’intimité devenu antichambre de l’extermination, ce lieu protecteur, cette chambre où l’on s’aimait, cette cuisine où l’on dinait, ses escaliers familiers et conviviaux devenus souricières, guet-apens où nait la peur qui prend au ventre.
Reconstituer l’histoire d’un lieu passe évidemment par la recherche de ceux qui y ont vécu. Ruth Zylberman, la femme qui sait faire parler les murs, a rendu à l’immeuble du 209 rue Saint-Maur ses années d’insouciances. 300 personnes y résidaient dont une centaine de Juifs soit un tiers des habitants de cet immeuble cosmopolite. 52 Juifs ont été déportés et un seul est revenu ; Albert Baum. Pour repriser ce tissu déchiré, elle s’est livré à une véritable enquête qui l’a menée de New York à Tel Aviv en passant par l’Australie. Et dans ses têtes à têtes avec les survivants elle s’applique à matérialiser le souvenir : munie de mobilier miniature elle aide son interlocuteur à reconstruire chambre et cuisine. Elle a tout : les assiettes, les tables, la machine à coudre, les lits, tout. La plupart du temps, les habitants du 209 ne vivaient pas dans l’opulence, pas de superflu, le mobilier est sommaire, tout juste suffisant.
Il faut voir ce documentaire, il faut entendre les voisins, ceux qui se souviennent des Juifs avec qui ils jouaient dans la grande cour intérieure de l’immeuble. Car eux aussi Ruth Zylberman les a retrouvés parfois. On peut entendre à l’occasion des phrases surprenantes comme « Il y a des Juifs magnifiques quand même (ils n’ont pas tous le nez et les oreilles qu’on nous a dit) » ou « Les Juifs… C’est difficile de dire ça en ce moment, quand on dit ça on se fait mal voir.»
Cette micro société que formaient les habitants du 209 rue Saint-Maur n’a rien d’exceptionnel. Elle est même banale, comme l’est la plupart du temps la vie de tous les jours. Le caractère exceptionnel, c’est la déflagration causée par l’histoire, l’explosion de cette micro société par l’incursion de la violence extrême et génocidaire.
Et cela Ruth Zylberman l’a parfaitement retranscrit. Son documentaire est disponible sur le site d’ARTE, son travail vient aussi d’être édité au Seuil. À voir, ou à lire.
Stéphanie Dassa
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