Il y a quelques jours, nous étions à la conférence internationale sur le terrorisme organisée par le CAT (Centre d’Analyse du Terrorisme) et le Counter Extremism Project.
Au cours d’une journée passionnante, de nombreux experts du monde entier sont venus échanger lors de panels, tous liés à l’évolution de la menace terroriste. Jean-Charles Brisard, directeur du CAT, a ouvert les hostilités en plantant le décor.
La menace terroriste aujourd’hui est moins exogène qu’endogène, rappelle-t-il. En effet, les risques d’attentats sont aussi du fait d’individus qui n’ont qu’un lien virtuel avec les organisations terroristes, quand ils en ont un. On est loin des djihadistes s’entrainer dans les camps d’Al Qaida ou partis combattre en zone de guerre. Avec toute la propagande mortifère des organisations terroristes, aujourd’hui il suffit d’internet pour être « inspiré » et passer à l’acte.
L’idéologie islamiste, constate Jean-Charles Brisard, est durablement enracinée dans notre pays, en témoigne le nombre d’individus suivis dans notre pays.
Il y a trois types de populations à risques :
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Les frustrés du jihad qui n’ont pas pu partir
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Les sortants de prison (notamment ceux qui ont voulu faire un attentat. 60% d’entre eux seront libérés d’ici 2020/2021)
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Les « sympathisants » du jihad
Le défi concernant les sortants de prison :
Pourquoi ce chiffre de 60% libérés d’ici 2020/2021 (et 75% d’ici 2022) ? La réponse est auprès du juge Marc Trévidic, que l’on ne présente plus. Le juge explique lors d’un panel l’évolution du système judiciaire face aux radicalisés. Au début de sa carrière, le juge traitait les derniers dossiers bosniaques. N’étaient judiciarisés que les combattants qui rentraient en France et fomentaient un attentat. Puis la justice a évolué, et a judiciarisé tous ceux qui sont partis combattre et s’entrainer notamment avec les moudjahidin. Enfin, la justice a maintenant la possibilité de judiciariser ceux qui ne sont même pas partis sur zone, mais qui ont juste tenté de s’y rendre.
Cette population, nombreuse, n’est condamnée qu’à des peines légères. C’est, ce que rappelle le juge Trévidic, la limite du système : on en vient à demander à la justice de faire de la « prévention ».
Le défi des combattants rentrés de zone de guerre :
Une autre menace est celle des jihadistes européens (600) retenus par les kurdes. Les Etats-Unis évaluent à 100 le nombre de jihadistes qui se sont échappés. Certains d’eux pourraient essayer de rentrer en Europe pour commettre des attentats.
Par ailleurs, pour ceux qui sont rapatriés et jugés, le défi judiciaire est d’appliquer la « juste peine ». Hilde Vandevoorde, juge belge qui a géré l’instruction de nombreuses affaires récentes (Paris notamment) rappelle que malgré la pression politique et de l’opinion publique qui dit « il faut prononcer de lourdes peines », concrètement, les peines ne peuvent qu’être liées à ce qu’a commis l’accusé. Et bien souvent, il est difficile de savoir précisément qui a fait quoi lors du conflit irako syrien.
Le défi de se défendre face à tous les extrémismes
On parle beaucoup du terrorisme islamiste, du fait de l’actualité et des événements récents. Néanmoins, l’ensemble des experts nous rappellent qu’il y a d’autres menaces. Les groupes du Sahel/Sahara ont aussi des moyens et de nombreux combattants. Les alliances se font et se défont au gré des conflits tribaux. Les groupes sont difficiles à suivre du fait de l’immensité des territoires concernés.
Par ailleurs, les raisons de la mésentente entre Al Qaida et l’Etat Islamique ne sont plus d’actualité (notamment avec la disparition des leaders). Est-ce du coup la possibilité de la naissance d’une fusion des deux entités ?
Enfin, n’oublions pas le suprémacisme. Même s’il n’a pas encore tué en France, de nombreuses attaques récentes dans le monde nous rappellent que la menace est réelle et forte.
Le défi face aux radicalisés
Amin Boutaghane, chef de l’unité antiterroriste revient sur l’évolution de la France face à la radicalisation.
A partir de 2014, les renseignements français se sont mis en place. Un numéro vert a été créé et a reçu 72000 signalements. Sur ces 72000 signalements, il n’y a pas que des terroristes. A l’arrivée, moins de 6000 personnes parmi les 72000 ont été identifiées comme radicalisées. Elles s’ajoutent aux individus identifiés par la police et les services publics. 21000 personnes signalées au total (par le numéro vert et par la police, les institutions publiques, les services de renseignement). Sur ces 21 000, 9000 sont effectivement suivies.
Gilles de Kerchove, coordinateur européen de la lutte antiterroriste embraye en rappelant un fait : être radicalisé, en soi, n’est pas un crime. C’est pourquoi il est fondamental de pouvoir supprimer toute la propagande qui pullule sur internet : cela permettrait d’endiguer les radicalisations permises par l’accès facile et illimité à la propagande extrémiste.
Ainsi, même si la menace semble s’être un peu effacée, on constate à écouter les experts qu’elle est bien présente, plus diffuse, plus imprévisible aussi. C’est en faisant fonctionner ensemble police, justice, services de renseignements et société civile que nous serons plus fort face à la menace.
Sophie Taïeb
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