Marc Knobel, Directeur des Etudes au Crif s’entretient avec la philosophe italienne Tiziana Della Rocca, après les résultats des élections législatives en Italie.
Question : En Italie, le Mouvement cinq étoiles opère une percée avec près de 32% des voix, au lendemain des élections législatives. Quelles sont les caractéristiques du mouvement populiste et anti système fondé par Beppe Grillo ? S'agit-il d'un parti d'extrême-droite ?
Tiziana Della Rocca : Les caractéristiques de Beppe Grillo et du mouvement M5S sont mystérieuses, déjà probablement pour lui-même. Elles sont mystérieuses parce que floues. Il est incontestable que ce mouvement inquiète la classe politique italienne. Mais, les dirigeants et les électeurs de M5S ne sont pas inquiets, d’abord parce qu’ils sont privés d'un véritable projet politique et qu’ils ne mesurent pas le poids démagogique de ce programme. De fait, le M5S est totalement différent des partis traditionnels, se définissant par opposition à eux comme une majorité souveraine, anti-européenne, pro-russe, et punitive. Vous comprenez bien que dans ce schéma, ils ne représentent pas une réelle alternative et qu’ils n'ont pas de vraies solutions. Le Mouvement s'inscrit dans le sillage de Marine Le Pen, de Steve Bannon, du groupe de Visegrad (groupe informel réunissant quatre pays d’Europe centrale : la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie) et de l'alliance bolivarienne. C'est un mouvement qui pense qu'il incarne le grand changement tant attendu par le peuple, mais il se trompe, tout comme les gens qui ont voté pour eux se sont trompés précédemment. Les mots gauche et droite, s'ils avaient déjà peu de sens auparavant, maintenant en référence au M5S en ont encore moins.
Question : Autre surprise, le score qui a été obtenu par la Ligue du nord de Matteo Salvini. Comment expliquez-vous ce succès ?
TDR : Le Nord de l'Italie en a assez de payer des subventions et d’aider le Sud de l’Italie, qui pourtant en a bien besoin. Il faut dire que la corruption règne et la Mafia et d’autres profiteurs jouissent de cette aide financière dans le Sud et le Nord dit ne plus pouvoir le supporter. C'est le vrai problème. Salvini a réitéré a plusieurs reprises qu’il veut aider les groupes les plus faibles, les populations déshéritées et tous ceux qui se sentent piétinés, mais il ne semble pas du tout disposer à le faire. Maintenant qu'il a du pouvoir, peut-être qu'il pense déjà à une séparation du nord (de l’Italie) ou a une scission. Même s'il ne le dit pas publiquement, il pense que Poutine l'aiderait. Il pense que Poutine le soutient parce que sa politique est foncièrement anti européenne.
Que vous évoque le retour de Forza Italia de Silvio Berlusconi ?
TDR : Berlusconi pensait terminer sa carrière politique en beauté. A la place, il a été raillé par Matteo Salvini. Il pensait qu'il pouvait aussi ridiculiser Matteo Renzi, l’ancien président du Conseil. Mais Salvini est plus rusé que les deux premiers et il a remporté une éclatante victoire en exploitant le thème de l'immigration que l'Europe elle-même n'a pas voulu assumer en abandonnant l'Italie et les migrants à leur sort.
À l'inverse la gauche républicaine et progressiste subie une cuisante défaite. Pourquoi ?
TDR : La gauche libérale et progressiste a fait des erreurs impardonnables. Ensuite, dans sa gestion politique de l’Italie, elle n'a pas été aussi efficace qu'elle aurait dû l'être. Peu à peu, elle perdait en respectabilité. Elle a profondément déçu.
L'Italie est-elle gouvernable ?
TDR : L'Italie n'a toujours été que partiellement gouvernable. Il se peut qu'à partir de maintenant elle devienne encore plus ingouvernable.
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