Quand et comment le Crif a-t-il été créé ?

Contexte historique de la création du Crif

Dans le journal Yiddish, Unzer Wort, « Notre Voix », du 1er septembre 1943, on peut lire : « Les partis et les organisations juifs ont scellé leur unité au sein du Comité général pour la Défense des Juifs ». Ses buts : Organiser la défense de la population juive, assurer les secours aux nécessiteux, établir la liaison avec toutes les forces de résistance en France « dans la lutte contre l’ennemi commun et pour la libération commune ».

C’est à Grenoble que s’est créée cette organisation qui va jouer un rôle fondamental dans la création du Crif. Les premiers pourparlers ont lieu fin mai, début juin 1943. Pourquoi cette date ? Parce que la révolte du ghetto de Varsovie en avril 1943 avait confirmé le projet d’une extermination totale.

Dans un article, Adam Rayski, l’un des fondateurs du Crif écrit : « Le combat héroïque et désespéré des derniers survivants de Varsovie avait montré combien paraissaient périmées les divergences politiques face à un ennemi qui frappait sans discernement tous les Juifs sans égard à leur opinion ou à leur degré de conscience juive ».

Le Comité de défense réunit les mêmes tendances qui s’étaient unies lors du soulèvement du ghetto. On retrouve dans les réunions de Grenoble Léo Glaser, secrétaire général de la Fédération des Sociétés juives de France, Zvi Levin pour le Poale Sion, Schrageur pour le Bund, Henri Adam pour l’UJRE. Adam Rayski ajoute : « Agir dans le même esprit, le même sens était pour tous en France un devoir moral primant sur tout le reste ». Tous étaient des Juifs venus d’Europe de l’Est, et aucun ne bénéficiaient pas de la nationalité française.

L’organisation se dote d’un organe de presse, « Notre combat ».  Son premier éditorial aborde la question de l’après-guerre : « Après la terrible tragédie que vient de vivre le peuple juif, nous avons le droit d’exiger que toutes les mesures soient prises pour que l’humanité ne connaisse plus le retour de l’antisémitisme et du racisme, que dans la France libérée, l’antisémitisme soit interdit par la loi, que les assassins de milliers de nos frères soient punis et que leurs victimes qui ont survécu aux déportations puissent regagner leur foyer et rentrer en possession des biens qui leur ont été pris par l’occupant ». Cette revendication, figurera dans la future charte du Crif adoptée en 1944.

Comme le Comité de défense, le Crif sera le fruit d’un consensus. Mais il manque un acteur et pas le moindre. Celui qui représente le judaïsme français, et à l’époque ceux qui se définissent comme israélites : le Consistoire Central.

Joseph Fisher, un des seuls à avoir des liens avec les milieux du Consistoire avait déjà sous la Présidence de Jacques Helbronner tenté un rapprochement, en vain. Le 28 octobre 1943, Jacques Helbronner, Croix de guerre 1914-1918, Commandeur dans l’Ordre de la Légion d’Honneur est arrêté par la Gestapo, puis déporté et assassiné dans les chambres à gaz de Birkenau. C’est un magistrat qui prend sa succession, un homme de tempérament différent et plus ouvert à l’union avec le Comité de défense : Léon Meiss qui sera le premier Président du Crif.

Meiss a surtout compris une chose depuis la déportation d’Helbronner : les Juifs français ne sont pas plus épargnés que les Juifs étrangers. Le temps était venu pour regarder dans une autre direction. L’année 1943 avait apporté son lot de désolation : 17 convois de déportation ont quitté la France, Aloïs Brunner a littéralement ratissé Nice de septembre à décembre 1943, puis Grenoble en février et mars 44. Il y a livré une véritable chasse aux juifs. Que reste-il alors des Juifs d’Europete ? La plupart avait été massacrés.

Mi-novembre 1943, à Lyon, Léon Meiss rencontre Adam Rayski et Joseph Fisher. Après quelques heures de discussion, Fisher est intimement convaincu et le Conseil représentatif des Juifs de France est créé.

Selon Adam Rayski, il fallut sept versions avant la charte finale. La question du poids de la représentativité des organisations fondatrices – le Consistoire, le Comité Général de Défense, l’organisation sioniste menée par Joseph Fisher et le Comité d’action de la jeunesse juive – est au cœur des débats.

Il faudra attendre la libération de Lyon le 3 septembre 1944 pour que tout le monde s’accorde, le 5 septembre 1944 autour de la configuration suivante :

  • 6 membres pour le Consistoire Central,
  • 5 membres pour le Comité Général de Défense,
  • 1 membre pour l’Organisation sioniste de France,
  • 1 membre pour le Comité d’action de la Jeunesse juive.

La représentation des Juifs de France était née, entraînant avec elle une rupture avec le principe d’une présence individuelle dans l’espace politique au profit, dit Adam Rayski « d’une reconnaissance de la légitimité d’une présence collective dans la vie de la cité » avec « le danger d’apparaître, chose absolument impensable dans la tradition du judaïsme français, comme une minorité nationale ».

Alors que la guerre n’est pas terminée, que personne ne sait de quoi sera faite la France libérée, le Crif se constitue comme un projet d’avenir, intégrant les multiples dimensions du judaïsme et portant la conscience que ses revendications ne seraient entendues sans combat.

À l’occasion des 25 ans du Crif, Léon Poliakov, le grand historien de l’antisémitisme écrivait dans une publication éditée :

« L’œuvre du Crif […] pourrait ne pas paraître spectaculaire. Sa patiente diplomatie ne frappe pas l’imagination ; ses interventions auprès des organismes nationaux ou internationaux, semblent se situer dans la tradition des Juifs intercesseurs des temps passés, qui ont toujours préféré opérer discrètement et en coulisse, évitant le combat à visage découvert. Et pourtant, le Crif fut et reste l’instrument d’un combat que livre depuis un quart de siècle la patiente voix de la raison aux séquelles d’un passé délirant. D’un indispensable combat dont les nouveaux égarements auxquels nous assistons […] montrent toute l’importance. Car sans cette œuvre laborieuse et tenace, sans ces mises en garde et rappels incessants, bien d’autres esprits auraient succombé, on ne saurait en douter, aux mots d’ordre de la violence et aux nouveaux appels à la haine. »

1970
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