Discours de Sophie Cohen-Elbaz, présidente du Crif Alsace lors du dîner annuel du Crif régional

/

Dimanche 7 septembre 2025 s'est tenu le Dîner annuel du Crif Alsace, en présence d'Aurore Bergé, chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations. À l'occasion de ce Dîner annuel, qui s'est tenu en présence du président du Crif, Sophie Cohen-Elbaz, nouvelle présidente du Crif Alsace a pris la parole.

Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Je m’associe aux salutations de Pierre Haas et vous remercie chaleureusement pour votre présence ce soir à laquelle nous sommes particulièrement sensibles en ces temps si difficiles.

Je tiens à remercier Pierre Haas, notre nouveau Président d’honneur.
Merci Pierre, pour ton engagement constant et sans relâche à la tête de la délégation puis du Crif Alsace durant toutes ces années, pour avoir porté nos combats et avoir initié la relève. Merci pour ta confiance à l’occasion de ce passage de témoin.

L’Assemblée générale du Crif Alsace m’a fait l’honneur de m’élire présidente dans un moment charnière. J’ai pleinement conscience de la responsabilité et de l’engagement que cela implique, dans un contexte particulièrement lourd et préoccupant pour mes coreligionnaires juifs alsaciens.

Ce dîner du Crif Alsace est placé sous le signe de la lutte contre l’antisémitisme.

Il nous a paru naturel, évident, de demander à la Ministre Aurore Bergé d’être notre invitée d’honneur, tant son combat dans ce domaine est significatif et dépasse largement les étiquettes politiques.

Chère Madame la Ministre, chère Aurore, merci.

Merci d’avoir accepté notre invitation.

Votre courage, votre opiniâtreté et votre clarté sont précieux à un moment de l’histoire où certaines paroles, certaines prises de position, certaines ambiguïtés et certains silences sont dévastateurs.

Vous avez su dire quel est le visage de l’antisémitisme aujourd’hui. Et vous l’avez dit avec force.

Parce que l’ambiguïté n’est plus possible, permettez-moi de parler vrai et sans détour : Un sentiment de solitude, voire d’abandon, s’ancre dans la communauté juive.

Ici, en Alsace. Ici, à Strasbourg, comme ailleurs.

Depuis le 7-Octobre, nous faisons face à une poussée de haine. Et depuis quelques mois, la concorde dont nous étions si fiers à Strasbourg s’est fissurée.

La présence juive est séculaire en Alsace, et pourtant… elle nous paraît désormais fragile.

Pas une famille, pas un individu, qui ne s’interroge sur sa place, sur son avenir ici en tant que Français juif.

***

L’été que nous venons de traverser a été marqué par un flot continu d’actes et de paroles antisémites.

La machine à détester les Juifs s’est emballée.

Elle s’exprime sous la forme d’un refus qu’on oppose à des enfants, d’entrer dans un parc d’attractions parce qu’ils sont Israéliens.

Elle s’exprime sous la forme de l’exclusion d’un philosophe à un salon du livre.

Elle s’exprime sous la forme d’un tag « Free Palestine » sur des voitures parce que leurs conducteurs portent une kippa.

Strasbourg n’est pas épargnée :

Des croix gammées dans le jardin mémoriel, à l’emplacement de l’ancienne synagogue.

Des croix gammées sur des boîtes aux lettres, des lettres anonymes, des « Free Palestine » jetés au visage de jeunes identifiés comme Juifs, Des slogans dévastateurs sur nos places publiques….

Une plaque de Notre-Dame-de Sion où on essaie d’effacer le mot « Sion», comme si le lien ancestral entre les Juifs et la Terre de Sion devrait être effacé de la mémoire collective.

Une carte qu’on arbore…. et qui efface Israël.

Tout cela n’est pas anodin.

C’est un climat. Une mécanique. Un poison.

Il n’est plus possible de détourner le regard.

Il n’est plus possible de se réfugier derrière des faux-semblants.

Non, la détestation d’Israël n’est pas une opinion « politique ». Ce n’est pas parce qu’elle est hurlée dans les rues de Strasbourg ou d’ailleurs, qu’elle est légitime.

Non, appeler à « libération de la Palestine de la mer au Jourdain » n’est pas une cause humaniste : c’est appeler à l’effacement d’un pays, d’un peuple, d’une histoire.

À travers l’antisionisme, c’est bien la peste de l’antisémitisme qui se répand.

On ne défend aucune cause par la haine.

On ne construit rien sur la diabolisation d’un peuple.

Il n’y a plus de place pour les postures, les silences et les calculs électoraux.

Combattre l’antisémitisme exige de faire front ensemble, au-delà des étiquettes. Au-delà des clivages politiques.

C’est une impérieuse nécessité pour l’avenir de notre société et de notre démocratie.

Au Crif Alsace, nous avons choisi de créer des ponts, de croire en l’avenir, en la force de l’éducation, de la transmission, du dialogue, et des valeurs républicaines que nous partageons. C’est pourquoi nous avons mis en place un partenariat avec le rectorat, et je salue Monsieur Olivier Klein, recteur d’Académie, pour son appui à cet égard. Nous allons travailler à ce projet et être force de proposition.

J’aurai l’occasion dans les mois qui viennent d’aller à la rencontre des uns et des autres afin de nouer un dialogue avec celles et ceux qui seront déterminés à ne pas baisser les bras et à ne pas laisser place à l’enfermement dans lequel on nous précipite.

Mais nous continuerons aussi de dénoncer sans relâche et sans détour toutes les postures qui participent à ce climat.

La situation impose des actes et des gestes clairs : reconnaître l’antisionisme comme une forme d’antisémitisme à l’instar de la définition qu’en donnait l’IHRA bien avant le 7-Octobre.

Définition qui ne dit pas qu’on ne peut pas critiquer le gouvernement d’Israël contrairement à ce que prétendent ses détracteurs. Mais qui affirme que nier l’existence d’Israël, délégitimer son droit à exister, appeler à sa disparition, c’est de l’antisémitisme.

Je le dis avec gravité : il est temps de faire consensus à ce sujet. Ce n’est pas un geste politique, c’est un sursaut des consciences.

Car le poison se répand. Avec lui, des inversions de sens insupportables et un tour de passe- passe qui consiste à faire porter aux Juifs la responsabilité de l’antisémitisme qu’ils subissent et d’instrumentaliser contre eux la Shoah.

L’antisémitisme se trouve dans l’arbre tronçonné qu’on avait érigé à la mémoire d’Ilan Halimi.

Il est dans le portrait de deux enfants victimes de la barbarie du Hamas, qu’on arrache avec rage.

Ces gestes-là disent tout. Il suffit d’ouvrir les yeux.

Nous ne pouvons pas nous laisser enfermer dans des narratifs qu’on assène à coup de mots et d’intimidation espérant qu’à force de les répéter on en fera des vérités.

Il ne s’agit pas de taire le débat démocratique ni de taire la compassion qu’on peut avoir pour des victimes quelles qu’elles soient.

Il s’agit d’élever des digues et de fixer une ligne claire face à un discours ambiant qui se nourrit de la haine.

Je lance donc un appel à tous les élus qui sont présents ce soir : planter à Strasbourg, à Colmar, à Schiltigheim et à Illkirch, un olivier en souvenir d’Ilan Halimi assassiné parce que juif, dont on a voulu récemment effacer la mémoire. Oser dénoncer l’antisionisme.

Faire de cet olivier un symbole qui dépasse les clivages politiques et les calculs électoraux.

Qui affirme haut et fort notre volonté de puiser dans les valeurs républicaines pour faire front commun en nommant clairement les dangers.

Un symbole qui puisse résonner comme un engagement collectif de ne pas accepter l’ambiguïté, les silences et les compromissions.

J’espère que cet appel sera entendu.

***

Je ne peux terminer cette prise de parole sans dire que nous sommes meurtris par les ravages auxquels la guerre imposée par le Hamas a conduit, y compris au sein de la population civile palestinienne.

Je ne peux terminer sans dire que le souvenir d'Ariel et de Kfir Bibas nous hante comme celui de toutes les victimes du 7-Octobre. Sans dire qu’il n’y a pas un instant où nous ne pensons aux otages arrachés à leur vie et à leur famille il y a 700 jours, détenus dans les tunnels de Gaza, dans conditions que les mots ont du mal à décrire.

700 jours d’un interminable calvaire.

Et à la clef… une reconnaissance annoncée d’un État palestinien encore aux mains d’organisations terroristes et d’une autorité palestinienne envers laquelle on n’exige RIEN : ni libération des otages, ni désarmement des terroristes, pas même une reconnaissance du droit à l’existence d’Israël. Les exigences ne reposent que sur Israël.

J’avais annoncé que je parlerai sans détour : je vous le dis donc clairement.

Cette décision nous place dans un profond désarroi et une grande inquiétude, elle renforce encore un peu plus notre sentiment de solitude.

Je terminerai en appelant de toutes mes forces à la libération des otages. C’est le sens de ce symbole que je porte en signe de solidarité et que vous retrouvez sur la table.

Je pense aussi à leur famille.

À cette rencontre que nous avions eue il y a quasiment un an jour pour jour avec la mère d’un des otages à l’Hôtel de la Région Grand Est qui avait organisé cette rencontre.

Elle nous avait dit que chaque bouffée d’air était douloureuse et qu’elle ne parvenait à respirer qu’en s’accrochant à l’idée que son fils sortira vivant.

C’était il y a un an.

Il se trouve toujours dans les tunnels de Gaza…

Sophie Cohen-Elbaz, présidente du Crif Alsace 

Newsletter

Pour rester informés et connectés à nos engagements et initiatives, inscrivez-vous à la newsletter.

Newsletter

Le rendez-vous quotidien pour suivre les actions et engagements du Crif.


Les données collectées par l’intermédiaire de ce formulaire sont traitées par le Crif, responsable de traitement, aux fins d’inscription et d’envoi de la newsletter sur la base de votre consentement.
Les données sont conservées pendant la durée de votre inscription à la newsletter, puis supprimées dans un délai de trois (3) ans à compter de la dernière interaction avec vous.

Vous pouvez à tout moment retirer votre consentement en cliquant sur le lien de désinscription figurant dans chaque courriel.

Vous disposez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de limitation, de retrait de votre consentement, et de portabilité de vos données, que vous pouvez exercer en écrivant à : dpo@crif.org.
Vous disposez enfin de la faculté d’introduire, si nécessaire, une réclamation auprès de la CNIL.
Pour plus d’informations, consultez notre politique de confidentialité.

*Les champs obligatoires sont marqués par un astérisque