Salutations et Remerciements.
À Richard Prasquier, merci pour vos belles paroles qui me touchent profondément. Merci, Monsieur le Député-Maire, de m’avoir offert l’hospitalité en ce lieu magnifique, l’Hôtel Groslot, Institution symbole de la République, pour accueillir toutes les personnalités, tous les amis sans lesquels je ne serais pas là aujourd’hui. Merci à la personne, inconnue… d’avoir sollicité cette distinction de la République française qui m’honore. Merci d’avoir considéré avec bienveillance les quelques actions que j’ai menées dans notre région.
Je dois à la vérité de dire que j’ai eu un peu de difficulté à préparer les quelques paroles que je prononce aujourd’hui, car parler de soi est un exercice périlleux où il faut prendre garde de ne pas tomber dans l’autosatisfaction, voire l’autosuffisance.
Aussi, je tiens à préciser que j’associe à l’honneur qui m’est fait toutes celles et ceux qui m’ont accompagnée dans mes engagements, depuis bien des années.
J’ai eu la chance d’être aidée, soutenue, par de nombreux amis, personnes privées ou officielles, Institutions de la République.
J’ai donc été amenée à regarder en arrière et à considérer le sens de mes engagements : je m’attacherai à évoquer ce qui, au fil des années, m’a éclairé, m’a conduit à réfléchir sur la complexité du monde où nous vivons, à réfléchir sur la place, le rôle d’une citoyenne française juive au sein de la République, sans ostentation ni ressentiment. Et ceci, pour répondre à une double exigence, la fidélité envers le passé pour créer les conditions d’un savoir partagé, et le souci du monde, le souci d’autrui, fondé sur une éthique du souvenir, sans complaisance ni démagogie.
Je dois à mes parents mon attachement au monde juif, à son histoire, sa culture, ce monde pluriel fait de lumières et de tragédies- la Shoah, la spoliation et l’exclusion des populations juives des pays arabes- ce monde, dont je suis, avec des milliers d’autres, l’héritière.
À cet égard, je citerai Alain Finkielkraut : « J’ai appris la fidélité pour transmettre le plus de vérité possible sur les êtres que désignait à mon affection le vocable de judaïsme. »
Mais je dois aussi à mes parents l’amour de la France, de sa culture, de sa langue, de ses paysages, la France, ce pays démocratique qui les a accueillis et leur a permis d’être des citoyens à part entière. Je n’oublie pas, dans mon attachement à ce pays, le rôle fondamental, émancipateur, de l’ÉCOLE républicaine qui, par la transmission des savoirs, m’a permis, comme à tant d’autres, d’être « digne de découvrir le monde ».
Je ne veux pas vous lasser par une liste fastidieuse, aussi je n’évoquerai que quelques évènements qui ont motivé mes engagements passés et présents.
En juin 1967, « la Guerre des 6 jours » provoqua un choc, me faisant prendre conscience de mon attachement viscéral à l’État d’Israël, jamais démenti depuis.
En 1969, j’ai été confrontée, nous avons été confrontés à la résurgence brutale d’un vieux « démon » qui paraissait « disqualifié », l’antisémitisme, sous la forme d’une rumeur qui s’était répandue dans notre ville et plus largement encore.
À partir de ce moment, j’ai réalisé que, même dans une démocratie, nous ne sommes pas à l’abri des pires dérives. Mais dans une Démocratie, ces dérives peuvent être combattues et éradiquées. À cet égard, je remercie notre ami, le journaliste, Henri Blanquet, qui a fait un magnifique travail d’information, d’explication, avec le courage, le cœur et l’intelligence que nous connaissons.
En 1983, j’ai adhéré au CRIF, organisme laïque, créé pendant la 2e guerre mondiale et dont la vocation est de représenter politiquement et culturellement les Institutions juives de toutes tendances- sauf les extrêmes-, mais unies sur des questions centrales comme la connaissance exigeante de notre passé, de notre histoire, de notre héritage culturel , l’attachement à l’État d’Israël, à son existence, et aussi la promotion des valeurs universalistes du judaïsme, la défense des droits de la personne humaine, la lutte contre le racisme, contre toutes les formes d’antisémitisme-anciennes et nouvelles-, le combat pour le respect de la laïcité et des valeurs de la République.
Le CRIF entend contribuer par sa voix, associée aux autres voix françaises, à nourrir la diversité du libre débat politique, sans exercer la moindre pression ni se substituer à la responsabilité de chacun.
J’ai tenu à donner ces précisions, car je me reconnais dans les missions que le CRIF s’est assignées depuis plus de 60 ans.
L’une des premières missions fut de créer, en 1984 un Comité de soutien aux Juifs d’URSS, avec l’appui de nombreux membres de la communauté juive d’Orléans, des amis orléanais de toutes obédiences et l’aide conséquente de la Municipalité d’Orléans.
Je salue tous ces amis qui ont participé à cette entreprise de sauvetage et, en particulier sa présidente, ici présente, Jeannie Gérin, que j’ai accompagnée en URSS EN 1988.
Après la « libération » des Juifs d’URSS, ce Comité s’est transformé en « Comité de soutien aux Communautés juives en danger », (Syrie, Irak…) qui a fonctionné jusqu’en 1996.
Il y a maintenant environ 23 ans, après la disparition de mes parents, j’ai éprouvé l’urgence d’agir pour que les évènements tragiques qui s’étaient déroulés dans notre département pendant la 2e guerre mondiale, soient enfin rappelés, car seules des Associations juives, en particulier l’ « Amicale des anciens déportés juifs de France », présidée par Henry Bulawko- organisaient un pèlerinage annuel à Pithiviers et Beaune la Rolande, accompagnées par des survivants de la déportation, leurs familles et quelques membres de la Communauté juive d’Orléans.
C’était un projet qui pouvait sembler utopique, un pari sur l’avenir, porté par quelques amis de la Communauté juive Jeannie, Claude, et d’autres amis orléanais (ou non,) Mark Korenbajcer, et en particulier par Hélène Mouchard- Zay, alors conseillère municipale. ET surtout, un projet soutenu, dès le début, par Henri Bulawko, et appuyé par Serge Klarsfed dont l’aide indispensable a été déterminante – et l’est toujours aujourd’hui.
Je ne ferai pas l’historique de toutes les étapes ayant abouti à ce qui est aujourd’hui le CERCIL, Musée –Mémorial des enfants du Vel d’Hiv, mais je souhaite rappeler qu’il fut créé en 1991, présidé par J.P Sueur, sa 1ère exposition inaugurée à la Mairie d’Orléans en 1992 par Simone Veil. Rappeler également le soutien des MAIRES de Pithiviers, Beaune la Rolande et Jargeau.
Les multiples activités du Cercil ont bénéficié du concours d’historiens renommés (Annette Wieviorka, Serge Klarsfeld, Benoit Verny, etc.) , de l’aide précieuse de bénévoles et du soutien des Institutions :La Ville, le Département, la Région , la Drac, la FMS…
Enfin, une étape fondamentale a été franchie grâce à la mise à disposition par vous-même, Mr le Maire, d’un lieu exceptionnel, une ancienne école maternelle, remarquablement restaurée grâce à l’aide de plusieurs Institutions, qui abrite maintenant une Salle d’exposition permanente avec une salle conçue par Serge K larsfeld et réalisée grâce à son concours, salle dédiée aux 4.400 enfants internés dans les camps du Loiret avant d’être assassinés à Auschwitz , un Centre de Ressources, un Centre d’Archives, une Salle pédagogique. Dans la cour a été installé un fragment d’une baraque du camp de BEAUNE LA Rolande. (classé monument historique).
Ce Musée-Mémorial a té inauguré en janvier 2011 en présence de nombreuses personnalités : Simone Veil, Jacques Chirac, Richard Prasquier, le Grand Rabbin de France, Gilles Bernheim , etc.
Mr le Maire, soyez de nouveau remercié pour ce geste généreux, ce « cadeau » magnifique qui permet d’inscrire la mémoire des camps du Loiret au cœur de la ville, dans ce Musée-Mémorial, lieu de mémoire incontournable pour la connaissance et la transmission de la tragédie qui s’est nouée si près d’ici, lieu de recherche historique et de pédagogie.
Enfin, je voudrais ici exprimer ma gratitude à toute l’équipe du Cercil : sa présidente, Hélène Mouchard -Zay, sa directrice, Nathalie Grenon, son historienne, Catherine Thion, ses médiatrices culturelles et pédagogiques, Aude et Christophine, sa secrétaire, Jacqueline Minier.
Au cours des années 90, j’ai eu la chance de rencontrer nombre de celles et ceux que l’on appelle « les enfants cachés », ces ex-enfants, devenus orphelins de père ou des 2 parents, interdits de vie par les nazis et leurs complices français, sous le gouvernement de Vichy.
De nombreux enfants ont été cachés, sauvés, dans notre région, par des familles souvent modestes qui avaient pris le risque de les accueillir.
Nous avons pu leur rendre hommage en leur remettant la « Médaille des Justes parmi les Nations » attribuée par l’État d’Israël aux personnes courageuses, ces hommes et ces femmes qui sont la part de lumière dans les sombres temps de la Shoah.
Des cérémonies émouvantes se sont déroulées ici même, qui restent dans nos mémoires.
Je salue la présence d’amis, ex-enfants cachés et de familles récompensées.
Lors du colloque organisé par le Cercil à Orléans, en 1996, une historienne franco-israélienne, Michal Gans, a présenté un lieu et une institution au caractère exceptionnel, le Kibboutz des Combattants des Ghettos, situé en Galilée.
J’ai été immédiatement frappée par le message dispensé par les fondateurs, dans leur majorité survivants de l’insurrection du Ghetto de Varsovie.
La démarche pédagogique issue de l’injonction juive millénaire « Et tu le raconteras à tes enfants » résume leur projet: préserver la mémoire vivante des combattants-pages des révoltes juives méconnues-, raconter la vie avant la Shoah et après, transmettre cette mémoire aux générations futures et inviter à en dégager la portée. Démarche s’adressant à tous les citoyens d’Israël, juifs, musulmans, chrétiens, car la Shoah est un évènement central qui interroge la conscience de chacun.
J’ai adhéré à ce projet et participé à la création de l’association Yad layeled France avec une équipe animée par le même souci d’une transmission exigeante de l’histoire.
Cette démarche éducative originale a donc été reprise et développée par l’Association Yad Layeled France qui, à travers plusieurs outils pédagogiques : mallette pédagogique, expositions incitant les élèves, dès le Cm2, à connaître l’Histoire de la Shoah, à réfléchir sur les questions de racisme et d’antisémitisme, et de citoyenneté.
L’exposition itinérante « Sur les traces d’une photo. Dix histoires d’enfants sauvés » permet aux élèves de découvrir la dimension européenne de la Shoah.
Sur un plan personnel, j’ai la satisfaction d’avoir participé à des séminaires de formation des enseignants au Kibboutz Beit Lohamei Haghetaot( plusieurs amis présents peuvent en témoigner), séminaires parrainés par Yad Layeled France et la Fondation Édith et Marc Aron,qui ont marqué des générations d’enseignants. J’en ai encore des échos aujourd’hui et je les en remercie.
Je pourrais, à cet instant, me satisfaire de l’excellent travail de Mémoire et d’Histoire que je viens de décrire- travail remarquablement mené par d’autres associations et institutions : Yad Vashem dont je salue le représentant dans notre région (et mon co-délégué) FG, l’Arhesval dont Yvette Ferrand en est la cheville ouvrière.
Si le travail d’histoire a permis de comprendre les tragédies engendrées par les totalitarismes nazi et soviétique, il a développé notre lucidité face aux tragédies advenues depuis lors.
Car, si l’on observe la réalité dans le monde aujourd’hui, on ne peut qu’être horrifiés par la violence sauvage qui s’est développée, violence d’États- je pense aux génocides cambodgien et rwandais, violence de groupes fanatiques voulant imposer leur idéologie mortifère par la terreur, bafouant toutes les valeurs de la Démocratie, ce que Thérèse Delpech nomme « l’ensauvagement du monde ».
Constat terrifiant, mais sans en faire la liste, je rappelle le sort des femmes opprimées, battues, mariées de force, violées dans de très nombreux pays, la situation plus que précaire – brimades, assassinats des Chrétiens dans des pays musulmans, arabes ou non, précarité liée la montée des mouvements islamistes.
Ces faits nous inquiètent, nous mobilisent. Aussi, chaque fois que cela est possible, j’ai fait appel à des politologues, historiens, philosophes, documentaristes, journalistes pour décrypter ce monde, nous éclairer ; je ne peux pas les citer tous, mais à Orléans, ou aux RDV de l’Histoire à Blois, par exemple, Alain Finkielkraut, Jacques Tarnéro, Luc Rosenzweig, Georges Bensoussan, Gérard Rabinovitch, Michaël Prazan, Leila Babes, Maître Michel Zaoui, ont répondu à mon invitation et je leur en sais gré.
Je voudrais maintenant évoquer ce qui, depuis quelques années, nous préoccupe dans notre pays- non seulement nous, citoyens juifs de France, mais de nombreux citoyens français, de toutes origines ou obédience : la montée d’un antisémitisme en paroles et en actes, de plus en plus violents. L’éditorial du Monde (8/10/2012) : « le weekend a confirmé une sinistre réalité : Il existe en France des groupes déterminés à la violence contre les Juifs ».
Ainsi que l’a écrit Élie Wiesel : « Auschwitz n’a pas guéri la société de l’antisémitisme ».
Comme l’a dit l’historien Georges Bensoussan dans son allocution au récent dîner du CRIF à Tours, citant Charles Péguy, il faut « voir ce que l’on voit » : Dès le début des années 2000, l’ouvrage collectif « Les territoires perdus de la République » faisait état d’une situation dans certains établissements scolaires où le droit républicain était bafoué : racisme, sexisme et, principalement, l’antisémitisme, crûment exprimé, mettaient les enseignants en grande difficulté.
J’avais invité l’une des professeures témoignant dans ce livre, mais peu de personnes, et en particulier, les média, n’ont donné le moindre écho à ces témoignages.
Depuis la 1ère conférence, dite de Durban, un antisémitisme sous couvert d’antisionisme s’est développé sur l’ensemble de la planète :
En France, la diabolisation médiatique de l’État d’Israël a gagné une grande partie de l’opinion publique :
En France, il y a eu, tout au long des années 2000, une augmentation significative des actes antisémites, alimentés par la haine d’Israël. Ainsi que l’a écrit l’écrivain algérien, Boualem Sansal (évoquant les islamistes): « « le fond, le vrai le seul –qui les anime- c’est la haine incommensurable, dévorante, que ces gens portent à Israël ».
Sans en faire la liste,
Je rappelle l’assassinat d’Ilan Halimi en 2006 : en 2012, agressions, projet d’attentat terroriste à Sarcelles, l’assassinat d’enfants juifs français à Toulouse (précédé de l’assassinat de militaires français à Montauban,- et s’ajoutant à notre peine et à notre désarroi, l’héroïsation de l’assassin, MM, par ceux qui multiplient les « explications compréhensives de son geste ».
Aussi, Le CRIF réfléchit à la manière de combattre ce fléau qui menace non seulement les Juifs de France, mais la République elle-même. JE m’associe pleinement à ce combat qui concerne toute la société française.
Face à toutes les dérives que je viens d’évoquer, il faut regarder cette réalité en face et mobiliser toutes les énergies pour préserver le « vivre ensemble », sans tomber dans la vigilance antiraciste dévoyée et la « bien-pensance »qui n’a pas abandonné sa vision manichéenne du monde.
Ceci explique mon engagement- sous l’égide du CRIF – et d’autres Institutions, avec de nombreux amis, des personnes de tous milieux, conscientes de la gravité des questions que je viens d’évoquer et que je remercie de se tenir à mes côtés.
Je voudrais terminer en évoquant mes rencontres avec des citoyens français très courageux, ceux que l’on appelle les « Musulmans laïques », femmes et hommes qui luttent contre touts les formes d’intégrisme, contre le racisme et l’antisémitisme sous toutes ses formes-négationnisme, antisionisme.
La journaliste marocaine, Mouna Izddine, écrit : « Certains musulmans français oublient que c’est la république laïque qui les protège et leur permet d’exercer librement leur culte… »
Dans cet esprit, plusieurs femmes m’ont fait l’honneur d’accepter mon invitation aux Rendez-Vous de l’Histoire de Blois, invitation fondée sur nos combats communs contre la violence faite aux femmes, toutes les violences déjà évoquées, nos combats pour le respect de la laïcité et de toutes les valeurs qui constituent le socle de notre nation.
Newsletter
Pour rester informés et connectés à nos engagements et initiatives, inscrivez-vous à la newsletter.
Le rendez-vous quotidien pour suivre les actions et engagements du Crif.
Complétez tous les champs avec astérisque.
Les données collectées par l’intermédiaire de ce formulaire sont traitées par le Crif, responsable de traitement, aux fins d’inscription et d’envoi de la newsletter sur la base de votre consentement.
Les données sont conservées pendant la durée de votre inscription à la newsletter, puis supprimées dans un délai de trois (3) ans à compter de la dernière interaction avec vous.
Vous pouvez à tout moment retirer votre consentement en cliquant sur le lien de désinscription figurant dans chaque courriel.
Vous disposez d’un droit d’accès, de rectification, d’effacement, de limitation, de retrait de votre consentement, et de portabilité de vos données, que vous pouvez exercer en écrivant à : dpo@crif.org.
Vous disposez enfin de la faculté d’introduire, si nécessaire, une réclamation auprès de la CNIL.
Pour plus d’informations, consultez notre politique de confidentialité.
*Les champs obligatoires sont marqués par un astérisque





