Malgré le froid, plus nombreuses que jamais furent les personnes qui participèrent à cette cérémonie régionale à l’appel des autorités et des élus locaux et devant les drapeaux du monde combattant. Le milieu associatif était présent dans sa diversité (anciens déportés et résistants, Justes des Nations, organisations humanitaires …), illustrant le caractère universel des enseignements de la Shoah.
Cette universalité, consacrée par les Nations Unies, s’est traduite, dans la cérémonie même, par la présence, aux côtés des associations de déportés juifs, d’associations représentant les Arméniens et les Tsiganes, eux aussi victimes de génocides.
Après la lecture particulièrement émouvante du « Testament d’Auschwitz » rédigé par Mme Toros-Marter, déportée de Marseille à 16 ans, présidente de l’Amicale d’Auschwitz, le « Chant des Marais » s’est élevé, rappelant à tous la souffrance des déportés et leur espoir en un monde meilleur.
Ont suivi discours et dépôts de gerbes devant le Wagon-Souvenir, lieu même du départ pour la déportation. Enfin, dans une grande émotion, furent égrenés par les Eclaireuses et Eclaireurs Israélites de France les noms de 85 enfants sur la centaine d’enfants déportés des Milles à Auschwitz en août-septembre 1942.
La présence symbolique d’enfants de l’Ecole Auguste Boyer (Juste des Nations) fut remarquée.
Un message de Mme Simone Veil, retenue à New-York, a été lu par Me Sidney Chouraqui, engagé volontaire de la France Libre, co-Président de l’Association du Wagon-souvenir. Elle évoque le projet de mémoire, d’éducation et de culture sur le Camp des Milles et remercie « l’ensemble des personnalités… des personnes et des associations qui… œuvrent afin que ce lieu devienne non seulement un espace de mémoire mais aussi un espace de transmission »…Elle exprime son « souhait que nous puissions bientôt voir la réalisation de ce projet que nous attendons tous depuis si longtemps ». Elle rappelle le souvenir des Justes, « désormais gravé au Panthéon » et forme le vœu que « leur conduite courageuse et généreuse puisse devenir un exemple pour chacun ».
Mme Denise Toros-Marter a déclaré : « Au nom des familles des déportés dont le deuil n’est pas accompli faute de sépulture, je me permets, M. le Préfet en particulier, mais aussi Mme le Maire, MM. les présidents du Conseil Général et du Conseil Régional, de vous conjurer d’apporter tout votre soutien à la rapide réalisation du projet […] du Camp des Milles. Avant que ne disparaissent les derniers témoins que nous sommes et qui se sont efforcés, depuis plus de 20 ans, d’apporter le récit de notre douloureux itinéraire à ces jeunes gens qui sollicitent d’être nos passeurs de mémoire ».
M. Alain Chouraqui, au nom de l’Association Mémoire du Camp des Milles, porteuse de l’opération, a rappelé qu’ « il y a un sens profond à entretenir la mémoire et les leçons [du traumatisme de la Shoah], car le risque est toujours présent de l’inhumain dans l’homme ». Il a aussi affirmé que « le Mémorial des Milles se fera, nous le savons aujourd’hui… Mais combien de temps et d’incompréhensibles difficultés faudra-t-il encore pour que, après plus de 60 ans, ce Mémorial ait les moyens d’être un véritable lieu d’intelligence collective ?. Il est de la responsabilité de chacun que soit réalisée la prédiction un peu surprenante faite ici-même à la télévision par Elie Wiesel, avec une hauteur de vue qui, elle, ne surprend pas : « Il faut que le Camp des Milles soit maintenant un lieu de transmission… Je suis convaincu que ce sera un lieu important, très important pour les siècles à venir. »
M. Zvi Ammar, au nom du Consistoire israélite régional et Me Isidor Aragones, président du CRIF Marseille Provence ont exprimé l’espoir que l’annonce faite par le Premier Ministre soit enfin rapidement suivie d’effet. Me Aragones, s’adressant particulièrement au représentant de l’Etat, a exprimé le vœu que, le bouclage financier soit enfin réalisé, « conformément aux engagements du Préfet de Région ».
Les hauts représentants du Conseil régional, du Conseil général et de la Mairie d’Aix ont réitéré le fort engagement moral et financier de leurs institutions en faveur du Mémorial, et transmis des messages de Mme Joissains-Masini, de M. Guerini et de M. Vauzelle qui expriment leur grand attachement personnel à la réalisation de ce lieu d’histoire et d’éducation.
M. Derache, sous-Préfet, représentant l’Etat, a affirmé : « L’antisémitisme n’a pas sa place en France. L’antisémitisme n’est pas une opinion d’homme debout, libre et responsable. C’est une perversion. Une perversion qui tue… Rien n’est insignifiant. Qu’elle suinte par l’écrit, la parole, la télévision, l’ordinateur ou le satellite, cette haine est intolérable. L’Etat met et s’attachera à tout mettre en œuvre pour que cesse toute forme d’antisémitisme quelle qu’elle soit…Se souvenir, c’est aussi transmettre… Nos enfants, nos petits-enfants devront garder au plus profond de leur cœur, poignante comme une douleur et présente comme une menace, la conscience de ce qui s’est passé ici et ailleurs… ». Il évoqua ensuite le « magnifique projet » de Mémorial auquel « l’Etat apportera toute sa part ».
Cette cérémonie au Camp des Milles prend un relief particulier à la veille d’une réunion financière prévue le 31 janvier sur le futur Mémorial, en présence de Me Serge Klarsfeld, qui devrait enfin conclure sur le budget d’investissement, et aborder les moyens de fonctionnement du futur équipement, décisifs pour en faire un lieu de transmission et de vigilance intelligent et attractif.
Il y a quelques jours, le Premier Ministre a déclaré au dîner du CRIF : « Je vous confirme que le financement de cette opération sera bientôt réalisé. Comme vous, je souhaite que ce lieu soit préservé et ouvert au public pour qu’il devienne un lieu de mémoire des crimes qui s’y sont commis ». Le même soir, le Ministre de la Culture a indiqué qu’il « travaillait activement sur le Camp des Milles », qu’il avait visité il y a quelques mois.
Rappelons que le Camp des Milles fut le principal camp français d’internement, de transit et de déportation de la région sud-est, et reste le seul camp français encore intact. Il vit passer environ 10 000 internés, dont 2500 hommes, femmes et enfants juifs déportés à Auschwitz.